La banlieue | Georges Eekhoud

Les rouges et basses maisons faubouriennes s'agglutinaient en îlots compacts. La ville grandissante, ayant crevé sa ceinture de remparts, menaçait et guignait les ravières d'alentour. Les rues étaient déjà tracées au cordeau à travers les cultures. Les trottoirs bordaient des terrains exploités jusqu'à la dernière minute par le paysan exproprié. Du milieu des moissons émergeait au bout d'un piquet, comme un épouvantail à moineaux, un écriteau portant cette sentence : Terrain à bâtir. Et, véritables éclaireurs, sentinelles avancées de cette armée de bâtisses urbaines, les estaminets prenaient les coins des voies nouvelles et toisaient, du haut de leurs façades banales, à plusieurs étages, neuves et déjà d'aspect sordide, les chaumes trapus et ramassés semblant implorer la clémence des envahisseurs. Rien de crispant et de suggestif comme la rencontre de la cité et de la campagne. Elles se livraient de véritables combats d'avant-postes.

Georges Eekhoud, La Nouvelle Carthage, p. 20 | Bibliothèque électronique du Québec

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