Un ouragan | Philippe Aubert de Gaspé

Je fus témoin d’un spectacle bien grandiose dans toute son horreur ; c’est la seule fois que j’ai vraiment joui de la fureur des éléments déchaînés. Un ouragan épouvantable éclata tout à coup pendant la nuit ; les arbres gémirent, se courbèrent et jonchèrent au loin de leurs débris le sol vierge de la forêt. Les eaux du lac, naguère aussi unies que la surface d’un miroir, furent bouleversées jusque dans leur profondeur. Les éclats de la foudre secouèrent les bases des montagnes pour être ensuite répétés sept fois, avec le bruit infernal d’un immense parc d’artillerie, par les sept échos des mornes situés dans le sud dont on voyait sans cesse les pitons illuminés par le fluide électrique. Et puis tout à coup, après un moment de profond silence, ces épouvantables détonations, par un phénomène d’acoustique, revenaient de nouveau, semblables à un tremblement de terre sortant des profondeurs du lac, secouer les montagnes dans lesquelles il est encaissé.

Philippe Aubert de Gaspé, Mémoires, p. 286 | Bibliothèque numérique du Québec

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